Racines tunisiennes et croyances d'enfance - Rim Lariani

Racines tunisiennes et croyances d’enfance

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Quand on fait un travail personnel, il est très courant de faire des sauts dans le passé afin de ré-explorer certains événements qui nous ont marqués et qui ont un impact sur la vie qu’on mène aujourd’hui.
Notre comportement, nos actions, nos résultats sont le fruit de beaucoup de couches acquises durant l’enfance. Pendant cette période, on construit des croyances qui ne sont pas les nôtres.
Dans cet épisode, je fais un retour en arrière pour vous parler de l’environnement dans lequel j’ai évolué quand j’étais enfant en Tunisie et de son impact sur mon désalignement.

 

Mon objectif avec le podcast

Dans l’épisode introductif, je vous ai parlé de la notion de désalignement. Il s’agit de cet état de déconnexion qu’on peut vivre entre plusieurs sphères de sa vie. Il peut nous empêcher d’être pleinement nous-mêmes et de nous sentir libres et épanouis.

J’ai vécu moi-même une grosse phase de désalignement. Je n’en suis pas totalement sortie d’ailleurs. L’exercice continue toujours avec les challenges auxquels je suis confrontée au quotidien. Néanmoins, je suis convaincue que les expérimentations et les apprentissages que j’en tire au quotidien peuvent vous aider à avancer de votre côté vers ce que vous souhaitez accomplir. C’est en tout cas mon but à travers ce podcast.

Dans cet épisode, je tiens à vous raconter d’où je viens. Je fais un retour sur le cadre dans lequel j’ai grandi pour déceler son impact dans mon désalignement. Je vous invite en parallèle à réfléchir à votre environnement à vous. Il a peut-être influencé l’adulte que vous êtes aujourd’hui. Quand je dis influencer, ça peut être en mal mais aussi en bien.

 

Voyage au royaume des croyances

Pourquoi j’ai décidé de revenir en arrière ?

En thérapie, il est très courant de faire des sauts dans le passé. Cela permet de ré-explorer certains événements qui nous ont marqués y compris ceux dont on ne se souvient parfois pas.

Pendant un an, j’ai été accompagnée par une psychologue spécialisée en thérapie familiale. J’ai compris après quelques séances avec elle que nous sommes le résultat de ce qu’on a vécu et acquis durant notre enfance.

Inconsciemment, on est quelque part façonné par notre entourage. Ce dernier nous transmet consciemment ou inconsciemment des croyances. Sans vraiment se questionner sur leur véracité car en tant qu’enfant on n’a la capacité de le faire, elles deviennent les nôtres et peuvent nous limiter dans notre épanouissement. C’est pour ça d’ailleurs qu’on les appelle croyances limitantes.

Ce concept est souvent traité dans le contexte de la psychologie cognitive, en particulier dans le domaine de la thérapie cognitivo-comportementale (TCC). La TCC s’intéresse à nos schémas de pensée, aux croyances et aux pensées automatiques qui influencent notre comportement au quotidien.

Si le sujet vous intéresse, je vous invite d’ailleurs à consulter les travaux de Aaron T. Beck. On le considère comme le père de la thérapie qui y a consacré une plus grande partie de sa carrière.

En résumé, Beck prône l’idée que travailler sur ses pensées, y être attentif au quotidien peut nous amener à les remettre en cause, les changer par d’autres qui nous nourrissent et nous tirent vers le haut et à guérir et ce qui nous bloque.

Petit guide pour travailler sur ses croyances

Si par exemple, vous vous sentez freinés au quotidien, que vous ne passez à l’action rapidement pour accomplir des choses même celles qui vous font vraiment envie, questionnez-vous sur les phrases que vous vous dites dans votre tête.

A mes clients je dis toujours :

C’est quoi l’histoire que tu te racontes là maintenant ?

Ces pensées et ces phrases sont certainement là depuis très longtemps. Elles sont probablement portées par des croyances que vous avez en vous depuis depuis l’enfance.

L’étape d’après c’est de vous dire,

De qui ces pensées me viennent-elles ? Est-ce vraiment les miennes ?

Avec beaucoup d’observation et de questionnements, vous pouvez même arriver à les associer à des événements de vie qui vous ont marqués.

Attention, ce travail n’est pas automatique ! Ça ne permet pas d’avoir un flot de réponses qui explique tout ce qu’on voulait savoir. Il faut de la patience et beaucoup de lâcher prise.

Les meilleures réponses et éclairages viennent toujours au moment où l’on s’y attend le moins. Biensur, à cette étape, si ce travail vous parait insurmontable, rien ne vaut le fait de se faire accompagner dans ce processus par un ou une professionnelle.

Des croyances, j’en ai comme tout le monde. Me rendre compte qu’elles ne m’appartiennent pas a été la première véritable étape pour pouvoir m’en libérer.

 

En décalage avec mes racines tunisiennes

Je suis née en 1987 à Tunis en Tunisie. Je viens d’une famille de la classe moyenne. J’ai vécu dans un cadre plutôt moderne et aisé à Tunis, la capitale où j’ai pu fréquenter de bonnes écoles et avoir une bonne éducation.

Quand je me projette à cette époque, c’est-à-dire le début des années 90, je n’avais a priori aucun souci à me faire par rapport à mon avenir, mon futur métier ou ma place de femme dans un foyer ou dans la société tunisienne en général.

Mais très rapidement, vers l’âge de 8 ans je crois, j’ai senti une sorte de décalage entre ce que je voulais à l’intérieur de moi, ce qui me stimulait au quotidien, comment j’imagine ma future vie de femme, mon métier et ce qui était perçu comme normal, conventionnel et surtout indiscutable par les autres et par la société dans sa globalité.

Je m’aperçois qu’autour de moi, beaucoup de personnes font des choix de vie par défaut. Cela englobe les études, le lieu de vie, le travail ou la relation de couple.

Je commence à sentir le poids des injonctions du type, fais plaisir, sois parfait et je comprends vite que vivre pour les autres était un peu la norme autour de moi.

Beaucoup de choix qu’on doit faire vont dans le sens d’obéir aux standards de la société. Il n’y a qu’une seule manière de se comporter et biensur celui qui ose dévier est vite pointé du doigt !

 

Croyances et relations de couple

Je pense que ce qui m’a marqué très rapidement depuis petite, c’est tout ce qui tourne autour des relations humaines et des relations de couple plus spécifiquement.

Il faut savoir que je n’avais pas autour de moi des exemples de couples qui nageaient dans le bonheur.

C’est soit parce que la plupart se sont formés dans le cadre de mariages arrangés, pour faire plaisir aux parents ou à la famille ou parce que l’heure a sonné pour la jeune femme. Il faut penser à faire des enfants.

Je caricature mais c’était vraiment l’image qu’on me renvoyait surtout qu’en tant que jeune fille, j’avais pris conscience rapidement que mes ovaires n’allaient pas fonctionner d’une manière illimitée.

Parmi les raisons aussi, c’est que comme on n’a pas la possibilité de vivre avec son partenaire sous le même toit sans mariage. On se marie généralement à quelqu’un avec qu’on ne connait pas vraiment et on est vite confronté à la vraie vie une fois la bague au doigt. Et là, c’est difficile de faire marche arrière.

Moi, véritable fleur bleue, fan de Bridget Jones et qui croyait en l’amour avec un grand A, je me suis demandée très tôt si j’allais pouvoir supporter de suivre ces exemples.

Choisir un partenaire de vie qui correspondait plus à ce que voulaient mes parents pour moi, ne pas vraiment apprendre à le connaitre et le découvrir une fois le contrat de mariage signé… Je ne m’en sentais pas capable.

Le poids des injonctions sur les femmes

En plus, cette pression de l’âge qu’on subissait en tant que femme, s’amplifiait avec une expression marquante qui revenait souvent dans les discussions, celle de “vieille fille”. C’était un peu comme le statut à éviter à tout prix.

Ça a fait naître en moi la peur de devenir cette vieille fille. C’était présenté comme une tare dans la société, comme le statut de la femme divorcée d’ailleurs.

Beaucoup de femmes n’osent pas divorcer car elles ne sont pas prêtes à vivre avec ce statut. Elles continuent donc de souffrir et de subir une relation de couple qui les éteint à petits feux.

Les croyances que j’ai développées petit à petit étaient du genre :

  • L’essentiel, c’est de se mettre en couple, peu importe avec qui, pour que mes parents et la société soient contents de moi.
  • L’amour, c’est que dans les films.
  • Vaut mieux un mariage malheureux que finir sa vie toute seule en tant que vieille fille.
  • Et surtout la plus terrible : je ne suis rien sans un homme pour me compléter.

Choisir une voie professionnelle par défaut

En plus de la question des relations de couple, il y a aussi celle du choix de vie en terme d’études et de travail. Et là aussi, la tendance allait vers des standards précis mais qui ne me conviennent pas forcément.

Il faut savoir que dans ma famille ou dans mon cercle proche, il y a une famille spécifique de métiers pour lesquels on opte par défaut et desquels on hérite aussi car c’est imposé indirectement par les parents.

Papa est médecin. Je vais aussi être médecin. Papa est pharmacien. Je vais récupérer sa pharmacie et ainsi de suite. Il est donc impensable que les enfants optent pour une autre voie, singulièrement si elle est artistique.

Moi qui ai eu la chance de choisir complètement ma voie car j’ai fait des études en cinéma et communication, j’ai longtemps côtoyé des amis ou proches malheureux parce qu’ils ont embrassé des choix de vie imposés par les parents.

Je les vois porter ce poids jusqu’à aujourd’hui, avoir des aspirations autres et être complètement incapables d’aller vers ce qu’ils veulent et ça me désole.

 

Le poids de la loyauté familiale

Grâce à la thérapie, j’ai compris que ces choix étaient liés à la notion de loyauté familiale. C’est comme une obligation invisible qui nous force à suivre le chemin ou encore le souhait des parents ou des grands parents même s’ils l’ont pas forcément exprimé.

Cette notion exclut toute autre forme de choix de vie possible jusqu’à nous faire renier nos valeurs personnelles qui peuvent être différentes de celles de la famille, nos envies ou nos besoins profonds.

C’est comme si on évoluait dans un moule inflexible. On ne prend même pas conscience de l’existence d’autres directions ou qu’on a le pouvoir et la possibilité d’imposer des limites ou de remettre en question des normes qui ne nous conviennent pas.

Rompre avec la loyauté familiale en m’écoutant plus a été d’ailleurs un de mes plus gros challenges de ces 5 dernières années. J’ai dû faire des choix qui me demandaient d’aller dans une autre direction pour suivre mes aspirations.

👉 Écouter l’épisode #12 « Je choisis l’amour ou les conventions ».

Je ne dirai pas que c’était facile, loin de là. J’ai dû faire face à beaucoup d’incompréhension. Mais je suis contente d’avoir fait ce travail aussi tôt pour pouvoir m’en libérer rapidement aussi.

J’accompagne beaucoup de clientes sur ces sphères quand on travaille l’émotionnel et le relationnel. Repérer une croyance à 38 ou 45 ans, héritée de ses parents, et se dire qu’à cet âge là, je vais la changer pour une croyance qui m’épanouit et me fait avancer vers mes objectifs c’est loin d’être évident parce qu’on a vécu avec pendant 38 ou 45 ans. On a cru que c’était une vérité mais maintenant ce n’est plus le cas. Le travail n’est pas facile mais ça finit par nous libérer d’un poids qu’on ne mesurait même pas.

Croyances et islam

De mon coté, je pense que ce qui a encore plus confirmé ce décalage, c’était le fait que je vivais dans une société musulmane au sein d’une population plutôt conservatrice. Or/Mais l’islam des autres n’était pas forcément le mien.

Je conçois le mien comme une foi qui me guide, qui me fait me sentir en confiance et non pas qui m’étouffe et m’oblige par exemple à renier ma féminité ou à devoir évoluer dans un monde 100% féminin parce que la tradition veut que les hommes et femmes ne se mélangent pas trop.

 

Dire non aux croyances

Pour résumer, j’ai grandi avec des pensées et des aspirations qui sortaient du cadre. J’ai compris très rapidement que je vivais en déphasage avec les autres.

Mais malheureusement, je n’ai jamais pu suivre cette voie non conventionnelle et pu être celle que je voulais être vraiment. J’avais tout simplement peur. J’avais peur de décevoir, de ne pas plaire, qu’on dise du mal de moi, qu’on me juge etc.

Quand j’étais enfant et plus tard adolescente, j’ai vraiment agi comme la fille modèle et bien éduquée. Je revenais toujours de l’école avec de bonnes notes? Je ne parlais pas fort. J’ai obéi à tout ce qu’on m’a dit à la lettre. Mon but dans la vie était de faire plaisir surtout à mes parents. Je voulais que tout le monde soit content de moi, même si c’était à l’opposé de ce qui vibrait à l’intérieur de moi

Plus je grandissais, plus la déconnexion prenait de la place. Plus j’en souffrais aussi  à l’intérieur sans pouvoir vraiment m’exprimer et être qui j’étais vraiment. Mais le mal être a fini par être plus visible physiquement. Ca commencé avec des dérèglements hormonaux à l’adolescence puis des maladies chroniques plus tard.

Depuis longtemps, mon corps avait commencé à m’envoyer des alertes. Je ne voulais pas les voir. Je n’étais pas du tout armée pour les interpréter jusqu’à ce que ça prenne de l’ampleur et que je fasse des thérapies.

Cette lecture j’arrive à la faire d’une manière claire aujourd’hui après presque 6 ans de travail intérieur. Cependant, quand j’étais plus jeune, j’étais certes en souffrance mais je pensais que c’était ça la vie. Je pensais que la souffrance physique et mentale faisait partie du “game de la vie”. J’avais la certitude que je n’avais pas la possibilité de changer ça.

Est-ce qu’à l’école on nous apprend à être heureux, non ! à rêver ? non ! à oser être différent ? non plus !

J’ai baigné dans un cadre où les gens étaient très malheureux. Ils acceptaient des choses qui leur convenaient pas. Ils étaient en mode en survie au lieu de vivre. Comment envisager une vie autre, à cette époque ?

Ces croyances qui finalement ne m’appartenaient pas étaient tellement fortes et ancrées en moi. Elles se battaient constamment avec d’autres croyances, les miennes, hors du cadre, mais impuissantes. Pourquoi ces croyances hors cadre ne pouvaient-elles jamais gagner ? Parce que j’étais dans cette constante peur de dévier de ce qu’on m’avait toujours dit et appris

 

Le message de la maladie

La maladie est arrivée dans ma vie et m’a permis de me poser les bonnes questions. Au début, j’étais aveuglée par la colère. Aucune réponse ne venait. Mais petit à petit, l’origine devenait de plus en plus limpide. C’était lié à ce désalignement inconscient que je vivais en Tunisie durant mon enfance. J’ai refoulé tellement de choses en moi au lieu de dire que je n’étais pas d’accord, que je voulais autre chose, que je voulais vivre ma vie différemment.

Les 5 ans de thérapies m’ont prouvé que le lien avec ce passé est indéniable aujourd’hui. C’était difficile de ne pas culpabiliser, ne pas ressasser les choses. Je prends beaucoup de hauteur en me disant que ce passé fait partie de moi. Je ne peux pas l’effacer et il a participé à construire la personne forte et résiliente que je suis aujourd’hui.

Par ailleurs, quand on fait ce travail de retour vers le passé, il est très difficile de ne pas aller dans les extrêmes. On peut renier ses origines en en voulant à ses parents. Ces derniers ont fait ce qu’il ont pu avec leurs référentiels à eux et le bagage qu’ils ont eux-mêmes reçu de leurs parents.

Guérir pour transmettre

Quand j’ai commencé à guérir, vers fin 2022, ma thérapeute, m’avait dit que j’avais dorénavant un devoir de transmission de tout ce que j’ai appris. Ce devoir rimait avec le pouvoir de rompre avec la lignée de femmes de ma famille. Il sert à briser les schémas négatifs, les traditions ou les comportements qui ne nous servent plus.

Je sais que tout le monde n’est pas prêt comme moi à faire une exploration personnelle aussi intense. Cependant, quand je vois comment ma vie a basculé de l’autre côté aujourd’hui, je vous assure que ça en vaut largement la peine.

Cette mission n’est pas si facile. Mais je veux la réussir car je veux terminer ma guérison. Je veux rompre définitivement mes chaînes à moi pour ne pas les transmettre plus tard à mes enfants qui eux n’ont rien demandé.

Faites votre introspection

Avant de clôturer cet épisode, peut-être que vous pouvez vous questionner sur ce qui vous alourdit aujourd’hui et ce que vous ne voulez pas transmettre aux futures générations.

Je vous invite également à compléter les questions du début en vous demandant :

Comment les événements vécus dans le passé ont façonné la personne que je suis aujourd’hui ?

Pour vous aider à répondre à cette question, n’hésitez pas à réfléchir par sphère. Cela englobe les relations, l’argent, les émotions, la vie professionnelle etc.

Une autre question pourrait être :

Comment ces événements ont-ils impacté le chemin de vie que j’ai choisi, mon métier, ce que je veux transmettre aux autres, etc. ?

Là vous allez pouvoir lier le passé, les souvenirs à ce que vous avez choisi comme métier.

Si d’ailleurs, vous êtes entrepreneur et que vous vous êtes questionné sur pourquoi vous faites ce que vous faites, le livre “commencer par le pourquoi” de l’écrivain Simon Sinek peut bien vous aiguiller dans cette démarche.

En travaillant sur son pourquoi, il est courant de faire des sauts vers le passé. Ca permet d’aller creuser dans des souvenirs et des rencontres qui nous ont marqués à jamais.

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